CERNUNNOS PAGAN FEST 2025 – Jour 2 // Ferme du Buisson, Noisiel – 23/02/2025
- Par Romain Dos Anjos
- Le 07/04/2025
- Dans Live-reports
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Nous voici déjà au deuxième et dernier jour du Cernunnos Pagan Fest 2025 qui, pour rappel, fête ses 15 ans d’existence. Après une première journée marquée par des shows bien orchestrés, c’est reparti pour une journée où les murs de la Ferme du Buisson vont gronder avec des formations qui viennent jouer pour la première fois comme MORGARTEN ou KVAEN, et d’autres qui ont déjà eu l’occasion de se produire durant le festival comme LES COMPAGNONS DU GRAS JAMBON et le NAHEULBAND notamment, ainsi que la tête d’affiche de ce soir MOONSORROW dix ans après leur premier passage à l’époque où le Cernunnos se tenait à la Machine du Moulin Rouge.
DEOS
C’est le groupe français DEOS qui ouvre cette journée à l’Abreuvoir. Et à voir leurs tenues vestimentaires, il n’est pas difficile de deviner leur direction artistique. Le groupe s’inspire clairement de la Rome Antique un peu à l’image d’EX DEO qui doit certainement faire partie de leurs influences. Mais ce parti pris peut être perçu comme un manque d’originalité. En revanche, là où EX DEO propose un death metal plutôt symphonique, DEOS évolue plutôt vers une musique mêlant death metal et black metal, offrant une performance scénique appréciable. DEOS a livré une prestation immersive et marquante en ce début de deuxième journée.
DET VAR
C’est une autre formation française que l’on retrouve à la Halle pour l’ouverture de la journée. DET VAR est une nouvelle émanation de la scène Néofolk française que l’on pourrait désigner comme petit frère français de WARDRUNA. Dès les premières musiques, le groupe nous fait découvrir une musique pagan folk imprégnée de traditions nordiques. Le son est hypnotique et envoutant avec des instruments traditionnels tels que de la lyre Kravik, du Jouhikko, du nyckelharpa ou encore des tambours chamaniques. Entre les notes lancinantes de la lyre nordique et les frappes tribales lentes et telluriques des percussions, le groupe semble comme en transe, offrant un rituel qui redouble d’intensité au fil du set avec du chant en vieux norrois. Les harmoniques vocales du chanteur, mêlées à des cris lointains, créent une tension presque surnaturelle. DET VAR aura apporté une touche sacrée à sa prestation avec une musique enracinée dans le folk païen nordique comme si, un instant, le passé avait repris vie autour du feu.
MOURNING WOOD
C’est maintenant au tour des Néerlandais de MOURNING WOOD de prendre place sur la scène de l’Abreuvoir. Cette formation Folk Metal a transformé la petite salle en véritable taverne enragée. Dès le premier morceau Behind Enemy Lines, les riffs s’enchaînent avec une précision martiale, portés par une rythmique aussi solide qu’un tronc de chêne. Le groupe joue de véritables hymnes guerriers qui déclenchent des pogos tandis que les refrains beuglés à l’unisson fédèrent le public comme dans une beuverie païenne. MOURNING WOOD porte si bien son nom qu’on se croirait dans une forêt à festoyer autour d’un feu de camp. Le groupe affiche un humour grivois assumé (leur nom en est le premier indice), mais derrière cette apparente légèreté, on sent un respect profond pour les traditions qu’ils évoquent : chants de deuil, contes païens, rituels anciens. En résumé, MOURNING WOOD a livré un concert qui mêle la brutalité du metal, l’énergie des traditions populaires nordiques et une autodérision bien dosée.
LES COMPAGNONS DU GRAS JAMBON
On retourne à la Halle pour retrouver une bien joyeuse compagnie. LES COMPAGNONS DU GRAS JAMBON, un nom qui prête forcément à sourire, sont là pour faire vivre un grand moment de convivialité. Ils sont connus pour leur musique à base de vielles, cornemuses, percussions, flûtes et chants paillards — un joyeux mélange de tradition, d’humour grivois et de cette convivialité qui leur est propre. Dès leur entrée sur scène — entre bottes de paille et pots de vinasse — le ton est donné. Les tenues sont d’époque, les instruments anciens, mais l’énergie est celle d’un groupe punk qui aurait troqué les amplis contre des cornemuses. La musique du groupe est un véritable appel à la ripaille, notamment avec Le Gras Jambon, leur hymne auto-proclamé. Les cuivres se mêlent aux vielles à roue, et le chant gouailleur du meneur de troupe — moitié ménestrel, moitié troubadour de taverne — tient l’assemblée en haleine entre deux calembours graveleux. LES COMPAGNONS DU GRAS JAMBON, c’est une orgie musicale entre Monty Python, la Kermesse de Saint-Cochon et le meilleur de la tradition folklorique française.
MORGARTEN
À l’Abreuvoir, nos voisins Suisse de MORGARTEN prennent à leur tour les armes. L’heure n’est plus au festin : c’est l’heure du combat avec une introduction qui porte bien son nom : Frères d’Armes. Dès les premières secondes de To Victory, le ton est donné, la bataille est engagée pour une seule issue : la victoire. Le son est massif, précis, glaçant : riffs acérés, double pédale qui martèle comme une charge de cavalerie, hurlements black puissants et flûtes guerrières qui transpercent l’air comme des corneilles dans un ciel d’orage. On est loin du folk joyeux ou paillard. Ici, le folk est une arme, un chant de guerre, une mémoire farouche des peuples qui ont résisté. La grande force de MORGARTEN réside dans leur sens de la narration musicale. Chaque morceau est un fragment d’épopée. Les montées en tension, les breaks atmosphériques et les envolées épiques rappellent que le groupe puise autant dans WINDIR ou ENSIFERUM que dans les musiques traditionnelles alpines. MORGARTEN, c’est la Suisse dans ce qu’elle a de plus sombre et de plus héroïque : des mélodies de forêts gelées, des rythmes de guerre, et une rage ancestrale canalisée dans un folk/black metal habité.
IRDORATH
Le festival se poursuit à la Halle avec la formation Biélorusse IRDORATH (à ne pas confondre avec le groupe de Black Metal Autrichien du même nom). Vêtus de cuirs, de peaux, de chaînes et de symboles archaïques, les musiciens ne montent pas sur scène : ils envahissent un espace rituel. Cornemuses, tambours, vielles, didgeridoos, gongs, fouets rythmiques — tout ici semble venir d’un autre monde. Les deux membres fondateurs, Nadezhda et Vladimir, mènent la cérémonie avec un charisme magnétique : elle danse, elle chante, elle tourbillonne, comme possédée par une divinité sauvage. Lui alterne entre cornemuse, cris gutturaux et postures de chaman. Le public, médusé, ne sait s’il faut danser, hurler ou simplement observer. La combinaison de sons archaïques et de pulsations modernes (effets électro discrets, basse percussive, éléments visuels) fait de IRDORATH un groupe unique : à mi-chemin entre HEILUNG, CORVUS CORAX et un opéra tribal. La foule, figée, vit une expérience sensorielle totale, entre spectacle, concert et rite ancien. IRDORATH, c’est un choc sensoriel. Un mélange de théâtre sacré, de transe musicale et de puissance scénique.
GRIFT
Place à l’un des groupes de l’année : GRIFT. Déjà présent lors d’événements en marge de cette édition 2025, ce projet suédois est mené par Erik Gärdefors, connu pour son mélange unique de black metal atmosphérique, de folk suédois et de poésie contemplative. Dès les premiers morceaux, c’est une véritable immersion dans un rituel intérieur, un moment suspendu. Erik alterne entre morceaux acoustiques mélancoliques et passages chantés d’une voix fragile, presque spectrale. Entre deux titres, il récite un poème de sa propre plume — en suédois, bien sûr. Peu importe si tous ne comprennent pas : l’intention passe, par les silences, par la respiration des mots. L’accompagnement à l’harmonium donne un souffle liturgique, presque païen. Les paroles évoquent la mémoire du sol, les ombres des ancêtres, la beauté tragique de l'abandon. Aucun artifice. Tout est humain, vulnérable, viscéral. GRIFT n’est pas un groupe. C’est une voix venue du sol, du vent, des arbres. Un rappel que la musique peut être silence, pudeur, mémoire.
NAHEULBAND
C’est reparti avec la convivialité avec le NAHEULBAND, le fameux projet de John Lang alias Pens Of Chaos, créateur de la série audio le Donjon de Naheulbeuk. Malheureusement ce dernier n’était pas présent pour ce show, étant dans une lourde situation médicale après avoir été frappé de la malédiction de la jambe droite selon les dires du Ranger Zombie ! Plus sérieusement, en son absence c’est donc Julien, le Mago de MAGOYOND, qui prendra le lead du groupe. Ce soir, l’immense taverne de la Halle est pleine et le NAHEULBAND s’apprête à livrer ce qu’il sait faire de mieux : un concert aussi déjanté qu’un barbare sur un champignon magique et même si maitre Poc n’est pas présent. Les musiciens entrent sur scène déguisés comme à leur habitude : cuir, capes, oreilles pointues, haches en mousse, et un barde trop enthousiaste pour être net.
La setlist démarre avec le classique À l’aventure compagnon, l’hymne de tous les rôlistes un peu foireux qui ont passé plus de temps à mourir bêtement sans aucun moyen d’utiliser un point de destin, ou à rechercher une statuette assez moche plutôt qu’à looter des trésors. Entre le Grand Pot-au-Feu des hommes-poireaux et la pub des chiantos, le groupe a de quoi faire rire la galerie et rappeler de bons souvenirs aux fans de la série audio. Le moment le plus absurde ? Certainement lors du Laridé du Poulet où le public reprendra en chœurs "Poulet ! Poulet ! Piou, piou, piou !". Il faut dire que confondre un changeur de forme avec un simple poulet, c’est un comble pour une certaine magicienne !
Après quelques Revendications Monstrueuses et une louange à Crom, le dieux des Barbares, le NAHEULBAND délivrera son ultime hymne avec Mon ancêtre Gurdil, une ode au nain bourré de service fière de son ancêtre "Gurdil, c*l brillant!" Le NAHEULBAND, c’est un exutoire médiéval pour geeks, metalleux et rêveurs. Plus qu’un concert, c’est une grande aventure à travers la Terre de Fangh où tout le monde est un peu nul, mais très content de l’être.
KVAEN
La fin du festival s’approche et c’est KVAEN qui à la charge de la clôture des concerts de l’Abreuvoir. Ce one-man band Suédois mené par Jacob Björnfot fusionne Black Metal mélodique, thrash furieux, épopées vikings, et des atmosphères nordiques glaciales. Jacob Björnfot entre en scène entouré de musiciens de session solides comme le roc, visages fermés, armés pour la guerre. Le son est tranchant, précis, mais avec cette énergie brute et sans fioriture propre au nord de la Suède. C’est du black metal, mais avec l’élan du feu. Le plus impressionnant ? La maîtrise de Jacob. Multi-instrumentiste, frontman charismatique, il alterne hurlements écorchés, riffs épiques et soli mélodiques d’une fluidité déconcertante. Il y a chez lui l’énergie de BATHORY, la noirceur de TAAKE, la vélocité d’UNANIMATED, mais aussi une sincérité brute qui transperce. Le public est captivé, suspendu à chaque note, comme s’il contemplait les flammes d’un bûcher rituel. En bref, KVAEN a livré un concert aussi puissant que glacial, aussi mélodique que sauvage. Peu de groupes parviennent à concilier l’héritage du black scandinave old school avec une production moderne et une composition viscérale.
MOONSORROW
Le Cernunnos Pagan Fest 2025 touche à sa fin avec l’apothéose : le set très attendu de MOONSORROW. Plus besoin de présenter ce fleuron du Black Pagan Finandais, le groupe fête cette année ses 30 ans d’existence. Un hurlement de loup laisse place à l’intro du premier titre Ukkosenjumalan poika. Dès les premiers accords du morceau, l’atmosphère devient religieuse. C’est une incantation, pas un concert. Sur scène, les frères Sorvali (Ville et Henri) mènent la barque avec une gravité guerrière. Leurs chants sont profonds, tragiques, chargés d’un désespoir ancestral, portés par des riffs lourds comme des pierres tombales et une batterie martiale. Pas d’humour. Pas de pause. Juste le temps long de la mémoire et de la terre.
Le son est énorme, mais parfaitement maîtrisé. Les nappes de claviers se mêlent aux guitares distordues comme de la brume sur un champ de bataille. Les morceaux durent parfois 15, 20 minutes, mais jamais l’attention ne flanche. Chaque thème, chaque break acoustique, chaque reprise est une catharsis. Les spectateurs ferment les yeux, lèvent les bras vers le ciel étoilé. Il ne reste plus rien du monde moderne ici. MOONSORROW a ouvert une faille temporelle. La setlist sera également agrémentée de leur reprise de ROTTING CHRIST : Non Serviam. Et le point culminant sera pendant Suden Tunti, certainement le titre le plus emblématique du groupe.
Nous sommes à peine à 45 minutes de show qu’Henri nous annonce déjà le dernier morceau pour ce soir. Après avoir essuyer quelques réactions de protestations sur fond de second degré, le frontman précise tout de même qu’il dure 16 minutes ! Le chant en finnois est incompréhensible pour beaucoup, mais l’émotion traverse la barrière des langues : c’est la fin d’un monde, racontée en musique. MOONSORROW n’est pas un simple groupe de black folk épique. C’est une expérience rituelle, un voyage dans l’âme collective d’un peuple disparu.
C’est sur cette note poétique le festival se termine. Le Cernunnos Pagan Fest 2025 aura été une réussite totale et on gardera de très bons souvenirs de cette édition anniversaire. Nous vous donnons rendez-vous pour la seizième édition en 2026 qui, on l’espère, sera du même calibre. Un grand merci au festival pour ce partenariat et de nous avoir permis de couvrir l’événement pour vous faire vivre ou revivre ces deux jours intense et immersive à travers l’époque médiévale.
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