HARAKIRI FOR THE SKY + KARG + E-L-R // La Machine du Moulin Rouge, Paris - 16/04/2025
- Par Romain D.A.
- Le 28/04/2025
- Dans Live-reports

Nous voilà de retour à la Machine du Moulin Rouge pour une soirée riche en émotion et introspection. Les Autrichiens d’HARAKIRI FOR THE SKY étaient de retour dans la capitale pour nous délivrer un nouveau show de haute intensité, épaulé par un autre projet originaire du même pays puisqu’il s’agit de KARG, le projet solo de J.J., chanteur d’HARAKIRI FOR THE SKY, et par le trio Suisse E-L-R.
E-L-R
C’est dans une semi-obscurité presque sacrée que E‑L‑R investit la scène de La Machine du Moulin Rouge, devant une audience encore timide mais curieuse. Le trio helvète ne cherche pas à s’imposer mais à envelopper avec un son à la croisée du post-metal, du doom atmosphérique et du drone chamanique. Le tout ne laisse aucune place au superflu : riffs traînants, harmonies lentes, progressions lancinantes. E‑L‑R s’affirme comme un portail vers un état second, une introduction magistrale au thème introspectif et mélancolique de la soirée.
KARG
Place au projet intime de J.J. que les amateurs de post-black reconnaissent déjà comme la voix habitée de HARAKIRI FOR THE SKY. De fait, KARG c’est de la douleur mis en musique. J.J., à la fois au chant et à la guitare, J.J. et ses musiciens lives délivrent une performance intense, presque douloureuse, les yeux souvent clos, comme s’il se débattait avec ses propres démons sur scène. Chaque morceau agit comme une lettre non envoyée, un fragment de journal intime crié à la face du monde. Le set s’articule sur son dernier album Marodeur, avec des titres puissants et intenses comme Kimm. Les guitares tissent des motifs mélodiques amers, souvent doublés par des nappes harmoniques post-rock, tandis que la batterie trace des sentiers rythmiques sinueux entre blastbeats et lenteur contemplative. KARG a offert un set déchirant sur un pan de silence intérieur, un bref instant d’émotion, un mélange de légèreté et lourdeur. Le tout s’est joué dans une confession musicale.
HARAKIRI FOR THE SKY
La tension reste palpable avec l’arrivée d’HARAKIRI FOR THE SKY qui reprend la suite de KARG. Un léger brouillard artificiel s’élève au-dessus de la scène de La Machine du Moulin Rouge, baignée de lumières bleutées et glacées. Tout bascule dès les premières notes de Keep Me Longing, ramenant de plus belles les ambiances émotionnelles denses déjà apportées par les précédents groupes. Ce n’est pas un déferlement de puissance pour galvaniser la foule : c’est un torrent d’émotions brutes, déversées avec une précision chirurgicale. Chaque riff, chaque frappe de batterie, chaque hurlement semble sortir des entrailles.
J.J. semble toujours aussi habité. Il arpente la scène tel un funambule sur un fil suspendu dans le vide. Il ne chante pas, il cri ses vieilles blessures personnelles comme une façon de s’en exorciser. M.S., concentré, envoie des riffs à la fois massifs et mélodiques, ses lignes de guitare aériennes et désespérées semblant flotter au-dessus du chaos. Le groupe nous raconte une Terre brûlée avec son dernier album Scorched Earth, comme un refrain dystopique avec des titres comme With Autumn I’ll Surrender et Heal Me, alternant avec des morceaux moins récents comme Fire, Walk With Me et le titre phare de la discographie du groupe, Funeral Dreams.
Le point culminant du concert arrive avec leur reprise déchirante de Street Spirit (Fade Out) de RADIOHEAD. Le morceau, revisité à leur manière, devient un pur moment de grâce ténébreuse avec le bassiste P.G. aux voix claires, qui n’est autre que le chanteur et bassiste de GROZA, offrant un contrepoint fragile aux hurlements écorchés de J.J. : un moment suspendu, hors du temps, où les visages dans la salle se parent d’une expression silencieuse, entre fascination et effondrement.
Le show s’approche tranquillement de la fin et les rappels commencent avec Sing for the Damage We’ve Done, un morceau très attendu au vu de la réaction de certains spectateurs. Ce titre met tout le monde d’accord avec ses sonorités épiques, de son énergie moins dépressive par rapport à d’autres morceaux, comme une invitation à retourner vers la lumière. Le set se termine sur Lungs Filled With Water, un dernier cri, un dernier souffle d’une musique chargée d’émotion et de contemplation.
HARAKIRI FOR THE SKY a apporté une conclusion magistrale à cette soirée : une performance à la fois brute et raffinée, portée par une sincérité musicale désarmante. Merci à Tangui de À Jeter Prom et Garmonbozia de nous avoir permis de couvrir ce show remplie d’âme.
Photos : Yordan Krushkov
Harakiri For The Sky Karg E-L-R