KLOGR : Interview au Hard Rock Café

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En septembre dernier, nous sommes allés au Hard Rock Café pour rencontrer Rusty, le chanteur du groupe de metal italien KLOGR. Très chaleureux, il nous a livré beaucoup de détails sur le nouvel album de la formation, Keystone.

Morrigan-wth : Pour commencer, est-ce que tu peux me parler un peu de toi et de la façon dont tu as commencé à jouer de la musique ?

Rusty : J’ai débuté quand j’avais 13 ans. J’ai commencé à écouter des groupes de metal, comme METALLICA, je les ai vus pour la première fois en 1991, donc quand j’avais 14 ans, et ça a changé ma vie. Je me suis dis que je voulais faire la même chose quand je serais adulte. J’ai commencé à cet âge en tant qu’autodidacte, je ne prenais pas de leçons ou quoi que ce soit. A l’âge de 18 ans, je suis parti de la ville où j’habitais pour aller vivre à Bologne, dans le centre de l’Italie. Là-bas, j’ai commencé à étudier la musique et à en jouer dans une école. Je me suis d’abord mis à travailler en tant que producteur, ingénieur du son… puis, après quelques projets en langue italienne (nous chantions en italien et faisions du rock), en 2010, j’ai ressenti le besoin de jouer de la musique plus internationale pour pouvoir tourner en Europe, et c’est là que le projet KLOGR est né. On a sorti le premier album en 2011. J’essaye de résumer l’histoire.

Morrigan-wth : Pourquoi avoir choisi la guitare en particulier ?

Rusty : Je ne sais pas, je suis peut-être égomaniaque, parce que je veux pouvoir chanter et jouer de la guitare en même temps. Je veux dire, le batteur est dans le fond, personne ne le voit… quand à la basse, on ne la distingue pas vraiment du reste. J’aime tous les instruments, mais le premier auquel j’ai pensé a été la guitare, peut-être à cause de James Hetfield, Dave Mustaine, ces influences que j’avais en tant qu’adolescent.

Morrigan-wth : Je voulais te demander, justement : James Hetfield, Mark Tremonti, beaucoup de guitaristes t’ont influencé, mais lequel a vraiment été le plus important pour toi ?

Rusty : Ce n’est pas une question facile, mais peut-être Adam Jones de TOOL, parce que ce n’est pas un virtuose, c’est vraiment un joueur de guitare rythmique, mais il est très précis dans ce qu’il fait. Je suis allé à quelques-uns de leurs concerts et il a une maîtrise parfaite, comme une machine, tout en faisant passer des émotions. Avec beaucoup de musiciens il y a une phase émotionnelle précise, mais lui, il te fait vraiment ressentir ses émotions tout le long à travers le son de sa guitare. J’adore son style parce qu’il est unique.

Morrigan-wth : Du coup, tu as créé le groupe en 2011 avec le bassiste américain Todd Allen, tu peux me raconter comment vous vous êtes rencontrés ?

Rusty : C’était drôle, parce qu’à Carpi, la ville où j’habitais, il y avait une école d’anglais, et j’allais y prendre des cours. C’était une femme qui m’apprenait l’anglais, et après quelques semaines, elle m’a dit : « Il y a mon copain qui va venir me retrouver ici ». Et trois semaines après qu’il soit arrivé, ils ont rompu. Alors il m’a demandé : « Est-ce que je peux rester chez toi, juste pour deux semaines ? », j’ai répondu : « Bien sûr ! », et il est resté huit mois. C’est à cette occasion que nous nous sommes mis à travailler ensemble. C’est un peu étrange, mais… il s’est mis  à apprécier le groupe, et comme j’étudiais l’anglais pour pouvoir écrire les paroles, il a commencé par m’aider à ce niveau-là. En plus, il était guitariste à l’origine mais il jouait aussi de la basse, et c’est lui qui apparaît dans notre première vidéo, Bleeding. C’est la seule qu’il a faite parce qu’ensuite il a fallut qu’il reparte chez lui. Il a continué à travailler avec le groupe par la suite, mais pas en tant que membre, seulement en tant qu’élément extérieur.

Morrigan-wth : Beaucoup de médias vous qualifient de groupe de metal alternatif, d’autres de groupe de metal progressif, comment définirais-tu votre musique ?

Rusty : C’est difficile de répondre. Peut-être alternatif, mais je veux dire, alternatif par rapport à quoi ? C’est du rock, pour moi la musique reste de la musique. C’est du rock. Peut-être alternatif dans le sens où on peut ressentir des atmosphères différentes en écoutant l’album. Ce n’est pas, par exemple, un album de hard rock avec le même style qui se répète sur tous les morceaux, il y a des variations. C’est peut-être pour ça que les gens utilisent le mot « progressif ». Parce que 99% des albums de hard rock respectent vraiment la limite entre le hard rock et les autres genres. Dans le cas de notre dernier album, tu vas trouver une chanson rapide comme Technocracy, une ballade comme The Echoes of Sin, ou quelque chose de plus alternatif comme Pride before the Fall, donc c’est peut-être un peu difficile de suivre l’album, mais si tu aimes la musique à 360 degrés, peut-être que tu peux l’apprécier quand même. Du coup c’est difficile pour moi de définir ma musique, de lui coller une étiquette.

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Morrigan-wth : Mon ami juste là pense qu’on retrouve des influences des groupes des années 90 dans la musique de KLOGR, est-ce que tu es d’accord ?

Rusty : Oui, absolument ! J’adore le grunge et les groupes comme SOUNDGARDEN, ALICE IN CHAINS… Encore une fois, c’est ce qui fait que définir ma musique est difficile, parce que j’adore METALLICA, j’adore SOUNDGARDEN, en parallèle je peux aussi écouter du MÖTLEY CRÜE, STONE SOUR, TOOL… Des fois quand tu rencontres quelqu’un qui écoute du hard rock, cette personne écoute spécifiquement du hard rock des années 80, POISON, MÖTLEY CRÜE, WHITESNAKE, ces groupes-là uniquement. Moi, j’adore une tonne de groupes différents. J’ai aussi grandi avec la musique grunge des années 90, alors oui, bien sûr, je l’adore aussi.

Morrigan-wth : Tu écoutes aussi des styles plus extrêmes ?

Rusty : Du jazz, du blues… haha, je veux dire, j’ai aussi grandi avec CARCASS et j’ai joué dans un groupe de death metal pendant longtemps dans la ville où j’habitais avant. Je devais avoir entre 15 et 17 ans. J’aime beaucoup DEATH, CARCASS, je les ai vus en concert trois fois pendant leur âge d’or, mais après un certain temps ça a commencé à m’ennuyer : les chansons sont toutes très similaires. C’est pour ça que j’ai besoin d’aller aussi vers d’autres genres.

Morrigan-wth : On voit peu de groupes italiens percer dans le milieu du metal, qu’est-ce qui a fait votre réussite selon toi ?

Rusty : On a aussi LACUNA COIL en Italie ! C’est sûrement le plus connu. Mais je ne sais pas. La relation avec l’audience est très importante. Je ne sais pas s’il existe une formule pour jouer la bonne musique, le bon genre de musique, il faut simplement trouver ta propre connexion avec le public et ce n’est pas facile à aujourd’hui, avec tout le monde qui va sur internet. Tout le monde peut faire un album. Si tu as de l’argent, tu peux payer pour faire ta promotion, et tu as la même visibilité que les autres, donc ce n’est pas facile de capter l’attention de l’audience, de la toucher. Alors je ne sais pas où est la clef, ou s’il y en a une. Il y a quelques années, se passer le mot marchait bien. A Seattle, tous les groupes comme NIRVANA, ALICE IN CHAINS, ont émergé parce que beaucoup de gens là-bas partageaient un intérêt pour ce genre de musique. Pareil avec le thrash à San Francisco, le hard rock à Los Angeles. Mais après la période nu metal, c’est devenu difficile de retrouver ce genre de choses. Il y a beaucoup de genres mais aucun qui prédomine. Donc je ne connais pas la formule pour réussir… peut-être qu’un jour ça arrivera. Si je la trouve je t’appellerai !

Morrigan-wth : Tu peux me parler de l’enregistrement du dernier album, Keystone ?

Rusty : Ca s’est fait très naturellement. On a commencé à travailler avec David Bottrill, un producteur qui bosse à l’internationale. Il a produit l’album Ænima de TOOL, des albums de STONE SOUR, de MUSE, et d’autres gros groupes. Nous avons été très chanceux de travailler avec lui et le tout s’est passé de façon très naturelle. Il est devenu le cinquième élément du groupe. On a commencé à travailler avec lui via Skype pour la pré-production. On lui a envoyé beaucoup de musique, il nous a renvoyé son avis, en nous disant : « vous pourriez peut-être changer ça, je trouve que le pont est trop long, essayez une autre mélodie… », mais il n’a pas donné de directions précises à suivre, il nous disait juste d’essayer autrement. Alors on lui renvoyait plusieurs versions différentes, et on discutait ensemble de celle qui convenait le mieux à la chanson. Ensuite il est venu passer 30 jours avec nous en Italie, dans notre studio. On a commencé à enregistrer la batterie ensemble. On voulait que ça sonne live, donc on a enregistré la batterie et la basse en même temps, dans la même pièce. L’ampli était dans une autre pièce mais le batteur et le bassiste jouaient dans la même, et on a fait la même chose Pietro et moi pour les guitares. J’étais à gauche, lui à droite, et si je faisais une erreur il devait tout recommencer aussi. Ca a permis de créer une connexion. Après, comme d’habitude, les solos et certains arrangements on été faits et enregistrés plus tard, et la voix à part aussi… mon job.

Morrigan-wth : Est-ce qu’il y a un message que vous essayez de faire passer au travers des paroles de l’album ?

Rusty : Oui, absolument, nous avons appelé l’album Keystone parce que nous pensons vraiment que le genre humain s’est autoproclamé acteur principal sur cette planète. Comme un maître, quelqu’un qui domine la Terre. Nous pensons que nous, les Hommes, sommes des invités et non pas les maîtres de cette planète. Mais nous en utilisons toutes les ressources, et c’est une chose qui me fait vraiment peur, car nous allons droit vers l’autodestruction, jour après jour. Alors nous avons essayé d’expliquer dans cet album que non, nous ne sommes pas la pièce maîtresse de cette planète. La pièce maîtresse est la planète elle-même et nous en sommes les invités. Certaines religions ainsi que certains courants politiques nous placent tout en haut de la pyramide. Non, nous nous trouvons au milieu du cercle. C’est quelque chose de très compliqué à expliquer au gens, parce qu’on ne pense tous qu’à ce qu’on est aujourd’hui, parfois le jour d’après. Mais année après année, nous dévorons notre planète. C’est ce que nous tentons de faire comprendre au travers de cet album. Certaines chansons sont plus personnelles : ce sont des chansons dans lesquelles nous essayons d’aborder ces sujets via des expériences et sentiments plus personnels. D’autres chansons sont plus tournées vers des idées politiques et des phénomènes de société, parlent de l’environnement, de la pollution, etc.

Morrigan-wth : Tu peux m’en dire plus sur les vidéos qui ont été réalisées pour les chansons Prison of Light et Sleeping through the Seasons ?

Rusty : Pour Prison of Light, la vidéo a été filmée dans notre quartier général : notre studio, celui où nous avons enregistré l’album. Elle a été réalisée par Giacomo Castellano, qui était mon mentor et professeur à l’école de musique. C’est un producteur et aussi un très bon ami. Il m’avait aidé sur l’album que j’avais fait en 2003 avec le groupe de rock italien. Depuis 5 ans, il a décidé de réaliser des vidéos aussi, donc nous avons travaillé ensemble sur celle-ci. Sleeping through the Seasons est inspirée du livre et du film Lord of the Flies. En ce qui concerne la pochette de l’album, nous avons travaillé avec Andrea Saltini, qui est un artiste et peintre de notre ville mais qui est très renommé dans le monde entier. Il se trouve qu’il a chez lui un énorme tableau représentant un homme qui crie sur un animal, et quand nous avons commencé à parler du concept pour la pochette, on s’est aussi mis à parler du concept pour cette vidéo. Nous avons parlé de Lord of the Flies, de ces jeunes hommes qui se retrouvent à vivre sur une île et dont la façon de penser change pour devenir plus animale : ils commencent à se battre les uns contre les autres. Il y a cette évolution au sein de la vidéo et on la retrouve également sur l’album : la façon dont l’être humain évoluerait sans la participation de l’extérieur, la façon qu’il a d’avoir cet étrange instinct qui le pousse vers l’autodestruction, et qui l’incite à se battre. On peut voir deux lions se battre pour la même nourriture, mais pas pour le même arbre. Parfois nous nous battons pour le même endroit, c’est étrange. L’Histoire regorge de ce genre d’exemples. Ca se retrouve aussi avec la religion : tu as des idées différentes des miennes donc je te tue. Pourquoi ?

Morrigan-wth : Pourquoi avoir choisi d’insister sur ces deux chansons, est-ce qu’elles ont une importance particulière au sein de l’album ?

Rusty : Je pense qu’on peut retrouver tous les éléments que comporte l’album dans ces deux chansons. Toutes les atmosphères et tous les éléments présents sur l’album s’y retrouvent. Ces deux chansons te donnent vraiment une bonne idée de l’album.

Morrigan-wth : En 2004, tu as créé Zeta Factory et tu as commencé à coproduire les albums du groupe, est-ce que c’est difficile de trouver un équilibre entre le processus d’écriture et la production ?

Rusty : J’ai arrêté de travailler en tant que producteur chez Zeta quand j’ai créé KLOGR, mon projet. En 2010-2011, j’ai arrêté en tant que producteur et ai seulement continué à travailler là-bas en tant que manager du studio. Je collabore avec d’autres producteurs qui travaillent chez Zeta. On peut me consulter, mais quand je suis plongé dans mon propre projet, c’est dur pour moi de donner mon avis sur la musique des autres parce que je suis concentré sur la mienne. Il y a conflit, je n’ai pas les idées assez claires pour me pencher sur celle des autres. Je travaille avec d’autres groupes quand j’ai une pause au niveau de KLOGR. En ce moment, je me concentre à 100% sur mon projet, ce groupe. Chez Zeta, nous offrons tous les services que nous pouvons pour aider les autres groupes, mais ce n’est pas un label typique. Nous avons plusieurs producteurs qui y travaillent et c’est mieux pour les autres groupes, parce que je suis trop plongé dans mon propre projet pour travailler avec eux au jour d’aujourd’hui. Peut-être un jour, mais pas maintenant.

Morrigan-wth : Est-ce que tu considères KLOGR comme ton projet solo, ou est-ce que tu vois vraiment ça comme un travail de groupe ?

Rusty : Je travaille sur un projet solo en-dehors du groupe. J’essaye de partager le projet KLOGR avec tous les autres membres. Le problème, c’est que quand tu as une idée précise de là où tu veux aller avec ton projet, c’est difficile d’en faire un travail d’équipe. Mais à chaque fois que les membres du groupe ont changé, c’était parce que la vie demandait à l’un d’eux d’avoir plus de temps. Je me suis séparé de deux membres parce qu’ils avaient un travail et n’avaient pas la possibilité de trouver du temps pour tourner en Europe. Je ne peux pas attendre que quelqu’un soit en vacances pour partir en tournée. Si tu n’as pas le même objectif, dis que tu ne peux pas suivre le groupe. Mais à aujourd’hui, je partage tout avec Pietro. S’il dit : « Je n’aime pas ce passage dans cette chanson », nous l’enlevons. Je le mettrai ailleurs. J’essaye de faire ça dans la démocratie, mais en même temps ce n’est pas simple de trouver des gens qui veulent et ont le temps de te suivre.

Morrigan-wth : Vous avez des dates de prévues ?

Rusty : Oui, nous avons 10 dates européennes avec THE RASMUS. Nous jouons à Londres, nous avons trois dates en Allemagne, une à Berlin, une à Hambourg et une à Cologne. On a aussi un concert à Prague et un à Paris, ne me demande pas où je ne me souviens plus, mais je sais pour sûr qu’il y en a un.

Morrigan-wth : Pour finir, quelques mots à adresser aux gens qui écoutent KLOGR ?

Rusty : La seule chose que je puisse dire, c’est que nous essayons de partager notre musique avec les gens. Pour moi, un concert, c’est pareil que d’être ici à boire une bière avec toi : c’est partager quelque chose. A partir du moment où nous parlons de quelque chose d’intéressant, c’est que nous jouons au sein de la même partie, donc nous mettons tous les deux quelque chose de nous-mêmes sur la table. Les concerts doivent aussi être faits de ça. Si tu viens à notre concert et que tu aimes la musique, nous partageons quelque chose ensemble. C’est ce que j’aime quand je vais à un concert et que je peux vraiment ressentir ce qui s'y passe. Je n’aime pas les faux concerts, où le show en lui-même est génial mais durant lesquels je ne me sens pas en communion avec les musiciens. Je peux comprendre ce genre de choses au niveau de la pop, bien sûr, mais c’est différent : c’est de la pop, c’est un spectacle. Mais un live est un live, pas un semi-live. Il faut une connexion avec le groupe.

 

Merci à Roger de Replica Promotion de nous avoir permis de réaliser cette interview, ainsi qu'au Hard Rock Café pour son accueil !
 

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